Partir deux mois en expédition n’est pas forcément le top pour garder la
frite en escalade. Un bon camp de base à 5300m, 40 jours à brasser dans la
neige… rien de mieux pour perdre tous ses petits muscles de grimpeur.
Le retour à la varappe à main nue peut faire mal. Aux bras
bien sûr mais aussi à l’ego.
Il ne vaut mieux pas trop regarder les cotations sous peine
de finir en dépression.
Imaginez une pomme de terre qui grimpe, pas très sexy comme
image mais assez proche de la réalité du retour d ‘expé !
Ce qui est tout de même sympa avec ce sport ingrat qu’est
l’escalade sportive, c’est qu’on peut se faire autant plaisir dans un 6a, un
7a, ou un 8a. Alors on range sa petite fierté de côté et on recommence tout
doucement à grimper.
L’Espagne est une destination idéale pour une reprise en
douceur. Des falaises de partout, plutôt orienté dévers à grosses prises, du
soleil des tapas et des bières à 1 euro pour les jours de repos ;)
C’est donc à Rodellar que je replonge mes mains dans des
concrétions calcaires après 2 mois dans les moufles !
Après quelques jours de gonflette dans les dévers à colos,
nous partons pour les Riglos avec Ena.
Le vrai objectif du trip est d’aller faire un tour dans
« La Fiesta de los Biceps ».
Cette voie mythique située dans la paroi
de la Visera est réputée dans toute l’Europe comme un des itinéraires
« accessibles » les plus déversant. D’ailleurs le monde sur le
parking confirme la renommée de la voie : Autrichiens, Allemands, Anglais,
Espagnols bien sur et donc Franco/Croates font la queue pour aller se régaler
de ces patates déversantes. Mais nos biceps sont plus en mode Siesta que Fiesta
pour le moment et nous décidons d’aller rendre visite à « Mosquito », la voie la plus
abordable de la Visera. Une belle balade aérienne en 6a obligatoire et 6b+ max
qui permet d’admirer les autres cordées qui s’échinent dans la fiesta, de
s’acclimater à l’ambiance de cette paroi et cette grimpe coglomératiquement
surprenante.
Le jour J nous avons la chance d’être la seule cordée dans
la ligne. L’itinéraire n’est pas des plus compliqué à trouver : il suffit
de suivre la trainé blanche de magnésie laissée par les autres grimpeurs.
Ce
qui est en revanche un peu plus complexe est de se rendre compte de ce qui nous
attend dans le haut de la voie. Ce que dit Arnaud Petit dans son topo
« c’est très, très déversant » serait presque un euphémisme. On se
rend bien compte en grimpant entre les points et encore plus aux relais que le
gaz est omniprésent.
L’ambiance est dingue et la grimpe complétement démente.
Une fois le doute levé sur la solidité des dites patates, on arête de grimper
en mode tuberculeux et on se régale tout simplement. Jamais un mouvement plus
dur que les autres, jamais un pas de bloc sordide, un pur plaisir de
continuité.
Les longueurs s’enchainent : 6a,6a+,7a,6c,6b+,6b+,7a,6a,5
et c’est complétement rincés que nous arrivons avec Ena au sommet de la Visera.
On n’aura surement pas le record de vitesse de la voie mais le plaisir d’une
grimpe extraordinaire avec la satisfaction de l’enchainement à vue de toutes
les longueurs. Il nous reste la jolie descente à pied pour aller se jeter sur
une grande bière et une assiette de patates, frites cette fois !
Antoine
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