dimanche 29 mars 2015

La Vallée Blanche, un exceptionnel accessible ?



Décembre 2013, je reçois un coup de téléphone :

« Oui Bonjour, est ce que vous travaillez toujours comme moniteur de ski/guide ?»

Et moi de répondre :

« -Bien sûr, mais je suis très pris par mon travail au GMHM, j’ai moins de temps, alors je choisis pas mal ma clientèle.  (Genre je me la raconte à mort) »

« -Je suis débutant en tout et je suis intéressé par apprendre le ski, l’escalade, l’alpinisme, pourquoi pas les expés… »

Au début, je pense à une blague mais donne rendez-vous à mon mystérieux interlocuteur, autour d’un café, histoire de discuter un peu mieux du projet.

Le courant passe directement. Ilias a mon âge. Il a l’air en forme physiquement, possède une bonne culture montagne, est disponible les week end et surtout semble très très motivé.

5 janvier 2014 : Premier cours de ski.

Mais genre premier de chez premier : Planards, téléski débutant.
Voici un ski, une fixation de ski…
Ce sont les carres qui permettent de tourner et freiner, c’est la spatule qui montre la direction…
Nous apprenons à monter en escalier, à effectuer une trace directe avec arrêt chasse-neige…
Bref… débutant.

28 mars 2014 : Vallée Blanche par les pentes du rognon.
(9h au sommet de l’arête, 11h30 au train du Montenvers)

Ok, il a eu un très bon prof (J’en rajoute une couche au niveau de la frime) mais c’est surtout la motivation et l’envie d’Ilias qui sont remarquables.

Entre temps nous avons fait quelques autres sorties : un peu de perfectionnement à la technique sur les pistes, initiation hors-piste, initiation ski de rando, une école de grimpe et une école de glace. Entre nos séances, Ilias s’est pas mal entrainé de son côté ou avec des potes.

Je suis loin d’avoir une grosse expérience de moniteur/guide, mais je ne sais pas si il y’en a beaucoup des clients comme ça. D’ou ce petit article. Bravo Ilias et quelque chose me dit que ça ne fait que commencer.

En ce qui concerne la Vallée Blanche, les conditions sont assez bonnes pour cet hiver particulièrement bizarre. Nous avons passés un super moment samedi dernier, en témoigne le sourire sur les photos qui suivent :









Tonio

vendredi 20 mars 2015

BUT à la Schmidt - face nord du Cervin


Une hivernale ça commence par un gros sac ; Et c’est encore mieux quand ce gros sac est posé sur les épaules d’un bon pote ! Ca aide à faire passer la pilule, lorsque la voie tant convoitée se solde par un but en beauté !



Il existe 1000 façons de vivre une course en montagne et encore plus de manières de la raconter. Exercice périlleux lorsqu’on essaie de justifier une ligne non réalisée.
Sans fausse modestie, je pense que 2 facteurs sont nécessaires pour la réalisation d’une belle course en montagne : Etre bon et avoir de la chance.
Etre bon dans le choix de la voie, être bon dans la préparation, logistique, être en forme physiquement et mentalement, être bon dans le choix du créneau… Et pour que tous ces voyants soient au vert en même temps, il faut un peu de chance.

Lors d’un échec (ou but) les facteurs de non-réussite sont donc : Ne pas être bon et ne pas avoir de chance. Ces deux facteurs étant liés.

1er constat : Une voie en super bonne condition tout l’automne ne l’est pas forcément en hiver.
2eme constat : Pas de neige collée dans les faces nords autour de Chamonix n’est pas forcément vrai dans toutes les Alpes…

Mercredi 18 mars, 16h nous voici au refuge du Hornli avec ce bon vieux Nono Bayol. Bien décidés à en découdre avec la face Nord du Cervin en hiver.



Tonio : « -C’est bizarre, ça ne ressemble pas du tout à la photo de la semaine dernière. C’était tout sec et maintenant c’est tout blanc. »

Nono : « -C’est super cool. On va Cruiser. Neige couic-couic… dément »

1er feu orange : Ma super frontale++ toute neuve n’as plus de piles (batteries) Je pensais l’avoir rechargée toute la nuit précedente. Echec !

Nono : « -Bah, on ne part pas trop tôt, on Cruise dans la voie de jour et on redors à Solvay dans la descente… »

2eme feu orange : Pas de traces, pas d’autres grimpeurs dans la montagne. La neige a du coller un peu plus dans la face qu’a Chamonix !

Lendemain matin, lever du jour, nous sommes à la rimaye. Nous avons bien tracé toute cette approche. Je ne suis quand même pas très grand mais la neige jusqu’aux genoux m’inquiète un peu…



Nono : « -Bah, une fois passé la rimaye, la face plus raide sera en neige dure. Couic-couic. On va Cruiser… »

3eme feu orange : Une fois passée la rimaye, la couche de poudreuse sans cohésion est bien restée collée à la montagne. Cachant au passage la misère, une pellicule de glace noire posée sur du mauvais rocher.
Nous avançons néanmoins corde tendue dans ces pentes peu raides. 3700m au pied de la rampe, nous avons mis 5h pour faire la moitié la plus facile de l’itinéraire…




Arnaud passe en tête et son éternel optimisme me regonfle un peu :
  « -Bah, je suis sur que ce sera meilleure dans la rampe… »
Une belle longueur de 60m en M1+ lui prend…1h. On ne peut pas dire qu’il soit maladroit dans ce genre de terrain mais les conditions sont vraiment délicates. Il faut déblayer cette neige sans cohésion pour trouver des prises et de quoi se protéger.



Une deuxième longueur, une deuxième heure qui s’écoule et tous les voyants passent au rouge. Une frontale pour 2, pas de matos de bivouac, 600m de face encore à grimper… On se casse !
La décision fait un peu mal au c.l , la descente aussi. Avec l’absence de glace pour faire des bons abalakofs, les relais et pitons recouverts de neige, nous miserons un peu. En prenant notre temps et sans faire (trop) de bêtises nous voilà de retour à la rimaye puis à notre bivouac du Hornli et enfin à Zermatt à la tombée de la nuit. Un bon Kebab (17 euros) et une boite de chique (7euros) nous remettent de nos émotions et nous rentrons un peu penauds à Chamonix.


Il paraît que l’on  apprend plus de nos échecs. Celui la nous aura motivés pour revenir dans cette face nord du Cervin… a fond. Peut être quand elle sera en meilleure condition ;)

Tonio


jeudi 12 mars 2015

Directe à la pointe Walker - face nord des Grandes Jorasses (VI;WI5+;M5;1100m)



C’est quoi l’idée d’une hivernale ?

Attendre cette période de l’année où les jours sont les plus courts, les conditions en montagne les moins bonnes et les températures les plus froides.
Choisir une voie qui nécessite plusieurs jours d’ascension, donc plusieurs nuits à se cailler.
Remplir des gros sacs avec pleins de trucs lourds, pour rendre l’ascension encore plus physique.

Pas besoin d’un dessin pour comprendre que l’idée est de bien en chier !

Nous voilas partis dans cette optique avec Max et Moatt’. 


Sans aller jusqu'à la superbe cordée « minus et cortex » ils représentent assez bien l’opposé en alpinisme. Le premier, même s’il cache sa sensibilité derrière une carapace de mauvais boutch, est bien à l’écoute de ses sensations. Alors que le deuxième n’est nullement influencé par le poids du sac, la présence de glace noire et de vent glacial… C’est bien connu les extrêmes s’attirent et finalement se rejoignent. Ils se complètent assez bien, le premier déversant ses excréments remplis de lactose, gluten et sucres rapides sur  la « terrasse » de bivouac, pendant que l’autre vomit ses lasagnes lyophilisées, telle un ivrogne célébrant son proba !
Et c’est avec ces 2 compagnons d’infortune que je m’apprête à vivre une belle galère dans quelques mois au Népal ! L’autre Seb, de la race de Yannick, a intelligemment décliné notre offre de bavante organisée, prétextant un agenda de ministre surbooké. D’un autre côté, il nous concocte une logistique aux petits oignons, allant chercher les ski à la rimaye et venant nous récupérer tout fringant en Italie.
Dresser ce tableau sans décrire ma petite personne ne serait pas tout à fait honnête. Alors je suis la, au milieu tel un centriste. Tel un mauvais sportif oui ! Comme un bon élève j’ai mis ma ceinture cardio pour écouter les battements de mon cœur à l’approche de ces longueurs mixtes que je laisse bien volontairement à Max la peine de grimper !

Le choix de la course a pas mal évolué dans les jours précédant l’ascension. Motivés par la « Desmaison », Yann nous informe que le créneau n’est pas si beau que ça : seulement 2 jours d’anticyclone et avec un fort vent du Nord. Nous choisissons un projet moins dur techniquement qui nous prendra moins de temps à grimper. Moatt’ a repéré que la goulotte à gauche du linceul était formée. L’idée de faire la « Magic line » est lancée. (Attaque par « supershroud » et sortie par « directe à la pointe walker »)

Dormir au pied et grimper léger sans bivouac ? Non, plutôt grimper lourd et bivouaquer dans le linceul. L’idée d’un mauvais bivouac assis nous motive assez bien ! C’est surtout l’idée d’être en montagne qui nous motive. Histoire de voir si notre préparation de champions à base de graines, de cardio et de fonte à porter ses fruits.

Nous voilà donc tous les trois, lundi 9 mars à la rimaye du linceul.


La descente de la vallée blanche remplies de bosses gelés avec les gros sacs et les petits skis est toujours aussi sympa. La remontée en peaux jusqu'à la rimaye, toujours avec ces maudits gros sacs aussi !

L’idée de la goulotte de gauche est depuis longtemps oubliée. En fait, elle n’est pas du tout formée. A un tel point que nous nous demandons comment ce diable de Moatt’ a t’il pu la voir en condition la semaine dernière. Cela restera un nouveau mystère pour la science.
Le linceul n’est d’ailleurs pas en top condition. Le vent a bien séché ce secteur des Jorasses et de la belle glace bien noire ressort par endroit.
Il est 12h quand nous attaquons. 4 belles longueurs de goulotte (70-80°) nous mettent dans l’ambiance et c’est partit pour la corde tendue dans les pentes de glace noire du linceul (50-60°). La grimpe est assez variée et bien sympa.




Non je rigole bien sûr. C’est chiant à mourir. Toujours les mêmes gestes : monter le piolet droit, monter le piolet gauche, monter le crampon droit, monter le crampon gauche. Toujours la même inclinaison, toujours la même mauvaise glace ! Ca n’avance pas, ça n’en finit pas et ça nous fatigue à mort. A 18h nous sommes à 3600m, autant dire qu’il reste un bon morceau. Ca serait pas mal de trouver un emplacement de bivouac mais dans cet océan de pentes, ça paraît compliqué. En rive gauche, une accumulation de neige contre le rocher paraît envisageable. IL nous faudra quand même 3h de terrassement avant d’avoir un bivouac avec 3 places semi assises. Dément ! Bonne nuit ! 


En même temps on l’a bien cherché. On redécolle le lendemain à 7h, pas encore complétement congelés ni même reposés ! Réveil musculaire sympathique : 200m de pente de glace à 50° et un mauvais relais au pied de la goulotte cachée.
La suite est une rampe de droite à gauche, jamais très raide (70-80°) avec du rocher moyennement solide et un fin plaquage de glace. Une dizaine de longueurs qui cotent 5+ en glace et M5 en mixte. L’ambiance est vraiment classe et la grimpe très jolie. Cette fois c’est vrai ;)







Nous débouchons sur l’arête des hirondelles ou le vent termine de nous congeler les pieds et les mains. 100m de mixte facile et nous sortons au sommet de la pointe Walker à 16h30. Bien contents et un peu cuits ou plutôt bien cuits et un peu contents, il nous reste la descente qui n’est pas connu pour être cadeau ! Un exercice particulièrement intéressant nous attend. Une croute de neige dure que l’on casse pour venir s’enfoncer jusqu’au bas ventre dans de la neige semoule. Résumant bien la peine de notre ascension nous arrivons au refuge Bocalate à 20h et le lendemain à 11h à Planpincieux. Ce n’est qu’autour d’une belle combinaison coca-pizza que nous reprenons des couleurs.

Tu l’as voulue, tu l’as eu… ton hivernale aux Jorasses.



Et si tout cela n’était qu’un prétexte? Si la vraie raison qui nous pousse à aller en montagne n’était pas la peine, mais le plaisir ? Se sentir bien dans l’instant présent, en harmonie.
Si c’était aussi simple en vérité, ça serait moins sympa à raconter ;)

Tonio