La Motivation. En voilà un terme délicat à
définir. Différents facteurs influencent la motivation. Différents types de
motivations existent.
Dans un fonctionnement de groupe il faut
composer avec sa motivation personnelle et celle des autres, qui peut être
différente. Sans jugements, sans frustrations ni pression supplémentaire. La
tache n’est pas toujours aisée.
Comme dans un groupe de musique, lorsque les
instruments sont bien accordés et jouent ensemble, une jolie mélodie peut
sortir. C’est simple, fluide et tout roule.
Avec Dim et Nono, nous sommes sur la même
longueur d’onde. Le même genre de projets à long terme. La même envie pour les
entrainements au quotidien.
En début d’hiver nous avions repéré une belle
paroi du massif du Mont-Blanc. Assez isolée, peu d’infos, surement très peu
grimpée. Elle nous motive bien cette face Ouest de l’aiguille de Leschaux. Lors
d’une sortie de repérage avec longue vue et photos sous différents angles, une
ligne nous attire particulièrement. Sur la gauche de la paroi, dans le haut de
la face un couloir/cheminé semble adapté à l’escalade mixte.
Rien dans le neige/glace/mixte… Il faut se
pencher sur les bibles d’antan et le fameux guide « Vallot » pour
trouver des informations. Ce dièdre qui nous attire semble être la voie
« Charlet ». Tome IV, p 200
« d2) voie charlet… Armand Charlet à la descente
juillet 1929… Lucien Berardini à la montée juillet 1950… Escalade D de 650m,
passages de IV… »
Un créneau de beau temps anticyclonique semble
pointer le bout de son nez. Nous l’attendons depuis début janvier. Nous ne
savons pas trop à quoi nous attendre dans cette paroi. C’est aussi ce que nous
cherchons. Les sacs sont bouclés en fonction : lourds.
2 jeu complet de friends du 000 au n°3, 6
broches, 16 pitons variés, une corde et un sac de hissage, le matériel de
bivouac et 3 jours d’autonomie en gaz et nourriture.
Dimanche
13 mars. Nous descendons la Vallée blanche et
rejoignons au coucher de soleil le refuge de Leschaux. Quelques haribo pour
fêter les 37ans du Pilf et nous rejoignons nos
petits rêves.
Lundi
14 mars. Départ matinal et 3h d’approche en peau de
phoque composent notre petit déjeuner. Nous laissons les skis à la rimaye et
attaquons les pentes de neige avec des sacs pas beaucoup moins lourds ! Il
faut passer un ressaut rocheux d’environ 60m pour atteindre le couloir
supérieur. En mixte ça ne passe pas trop mal et Arnaud estime M4/M4+ pour ces 2
premières longueurs.
Nous progressons en corde tendue dans le
couloir. Les pentes comment à chauffer et la neige à s’alourdir.
Physique !
En début d’après midi nous trouvons un super
emplacement de bivouac, 300m sous le sommet. Perché sur un petit éperon entre 2
couloirs, nous observons le fameux dièdre de sortie. Il nous faut un peu de
temps pour terrasser et installer la tente que nous trimballons depuis 2 jours.
Plein Ouest, au dessus d’une mer de nuages, l’instant est magique. Nous avons
connu pire comme bivouac.
Mardi
15 mars. Un peu de corde tendu en mixte facile et nous
attaquons le « crux » et ce fameux couloir/cheminé. 3 grandes
longueurs que nous estimons à M4+/M5/M4+ nous amènent à la brèche entre le
second et le troisième ressaut de l’arête Nord-Ouest. La grimpe est assez
agréable. Bien sûr le rocher est un peu évolutif par endroit et la neige sans
cohésion recouvre les prises, mais c’est ce que nous sommes venus chercher.
Une grande traversée ascendante à droite et
une dernière longueur en M4 nous occupent la fin de matinée.
Nous rencontrons les premières traces des passages précédents : 2 vieux pitons… de 1929 ?
13h, nous sommes au sommet avec la banane, la
vue est superbe et propose un autre panorama du massif du Mont-Blanc.
Le ciel se charge déjà. Notre routeur météo 4
étoiles, Yann, que nous avons appelé la veille nous avait prévenus :
« De la neige en après midi et mauvais le lendemain… ».
Nous décidons de redescendre dans la ligne
quitte à laisser pitons et câblés… ça encouragera peut être de futurs
répétiteurs. Au fur et a mesure des rappels il commence à neiger pour de vrai.
La face se couvre de neige et il devient délicat de trouver de bonnes fissures
pour les pitons ! Nous galérons un peu et arrivons finalement aux skis à
la tombée de la nuit.
La descente à skis avec les gros sacs, de nuit et une
neige qui tombe à l’horizontale nous termine en beauté. 21H30 nous sommes à Chamonix, usés mais
heureux de ces quelques jours en montagne, dans un coin sauvage du massif du
Mont-Blanc.
Cette ligne est rarement grimpée en été et
encore moins en hiver. Avons nous fait la première hivernale ? Est- ce le
plus important ? Beaucoup d’approche et d’efforts pour 3 longueurs de
mixte dans un mauvais dièdre. Est-ce que cette ligne vaut la peine de
répétitions ?
Si vous cherchez un peu d’originalité,
d’exotisme et d’aventures dans le massif du Mont-Blanc, la réponse est oui…
encore une fois, ça dépend de votre motivation ;)
Tonio