Comment
écrire avec légèreté et humour sur une expé au Pakistan, après les évènements
de ce week end ?
Comment
expliquer que notre trip dans les hunzas était safe et rigolo pendant 1 mois,
alors que 2 semaines après notre retour 10 alpinistes se faisaient lâchement
assassinés au camp de base du Nanga Parbat par des talibans ?
Comment
raconter à tous les copains et copines alpinistes que le Pakistan est l’avenir
des expéditions himalayennes. Des montagnes vierges partout, des conditions
idéales pour le ski et la goulotte au printemps et vraiment bien pour la grimpe
et la haute altitude en été ?
Comment
motiver les gens à se rendre sur place pour profiter des paysages grandioses et
de l’amitié des locaux ?
Pas
facile me direz-vous… alors pourquoi ne pas juste raconter l’expédition comme
elle s’est réellement passée… dans l’amitié, la simplicité et la bonne humeur.
Le
trajet pour se rendre au départ du trek n’est jamais la partie la plus drôle
d’une expé. Mais si vous mettez 6 copains et 2 copines du Te Crew dans un bus,
même traverser la Karakoram Highway et ses pistes défoncées deviens une partie
de plaisir et de rire.
Même
la météo exécrable au camp de base et le mètre de neige dont il est recouvert
prennent une tournure sympa : « on a le temps de faire des jeux dans
la tente mess et les conditions de ski seront meilleures ! »
Puis
nos routeurs météo (Austro/Croates de talents !) Ivana Stiperski et Manuel
Presser nous annoncent un créneau de 5 jours de beau temps suivi d’une période
perturbée d’au moins 10 jours.
La
question qui se pose à nous n’est pas simple : Partir en acclimatation sur
notre objectif principal le Passu ou se rendre dans une autre vallée, sur un
autre sommet moins haut pour s’acclimater ?
Avec
seulement 3 nuits au camp de base à 4000m, a t’on une petite chance d’aller sur
un sommet de 7000m ?
On
choisit une solution mixte : partir en direction du Passu avec une
possibilité d’aller sur un sommet voisin, un peu moins haut, le dernier jour
d’ascension, si la forme n’est pas trop la (ce qui est censé être le cas sans
acclimatation).
Départ
du camp de base le 15 mai au matin (3h00). Il nous faut d’abord remonter une
longue moraine puis un glacier bien tortueux que nous avons encore heureux
repéré et tracé avec les GPS 2 jours plus tôt.
Nous
voilà au pied d’une face/couloir de 1000m de haut. Des pentes à 30° au début
qui se redressent à 40° sur une grande partie pour finir à 50° sur les 200
derniers mètres. Exposition Est, plus bas que 5200m… c’est à dire au soleil et
en pleine chaleur depuis 4h du matin au Pakistan ! Un coupe gorge parfait,
un piège à avalanche évident dans lequel on se retrouve tous les 8 à 11h du
matin. Parfait ?!?
Mais
avait on d’autres options ? Parfois en expé il faut savoir sortir de sa
zone de confort et accepter un risque mesuré, nécessaire à l’ascension.
Le
premier bivouac se fait au sommet de ce couloir à 5200m, sur un magnifique
plateau glaciaire qui nous montre la suite de l’aventure.
Le
lendemain est toujours aussi classe. On remonte entre les séracs, rimayes et
crevasses, toujours encordés et avec le casque sur la tête. Les successions de
petits passages raides font penser à la face N du Tacul. En fait c’est un peu
comme si il y avait 2 face N du Tacul l’une sur l’autre.
Le 2
eme bivouac est à 5800m. L’altitude et la fatigue de la veille commencent à se
faire sentir. Alex, le monoskieur de la bande doit se farcir la montée en
petits skis d’approche avec la board dans le dos. Il décide d’en rester la et
nous attendre quelques jours pendant que l’on essaie de pousser un peu plus
haut.
Le 3
eme jour ne présente pas trop de changement à part une météo plus difficile. A
partir des 6000m, le froid s’accentue avec le vent d’altitude qui se fait
sentir. Des nuages nous entourent et donnent un peu de neige. A 6400m on décide
de monter le 3eme bivouac. La nuit à cette altitude sans acclimatation est un
peu plus tendue. Sarah qui a des problèmes au dos décide de nous attendre la.
Le
réveil à 3h00 pique un peu. La tête dans le coton. Une impression d’être en
gueule de bois permanente. Les actions et décisions prennent toutes un peu plus
de temps !
Lambert
essaie pendant 10 minutes de fermer sa Gore-tex avant de se rendre compte qu’il
tire sur son doigt et non sur la tirette ;)
Ce
n’est pas hyper juste l’altitude, mais c’est le jeu. Luc, Rémi et Ena ont pas
mal la forme alors que Flo et moi avons juste envie de vomir tout le
temps !
On
se met quand même en marche tous les 6. Lentement, très lentement même nous
gagnons de l’altitude.
Puis,
au col à 6600m arrive le moment de la décision. A gauche, un grand et long
plateau glaciaire à traverser et les 7250m du Passu 1, notre objectif
principal. A droite, a porté de spatules les 6840m du Passu 2…
La
décision est cette fois rapide. Si on arrive tous les 6 au sommet du Passu 2
c’est déjà une belle réussite. On se relaie pour faire la trace, chacun
repousse ses propres limites physiques et mentales et nous voilà au sommet à
10h00.
Environ
5h pour faire 400m de dénivelé, pas de quoi faire rougir un Mathéo Jacquemoud,
mais on s’en fiche un peu et on a tous le sourire aux lèvres.
La
descente est complétement génial. Des pentes à 30° maxi et une belle poudreuse
nous permettent d’envoyer en grandes courbes. On perd de l’altitude et en même
temps on gagne du poil de la bête. On récupère les potes Sarah et Alex et on
file. Collectivement nous décidons de ne pas repasser une nuit sur le glacier
et de pousser jusqu’au camp de base. La neige transformée est toujours très
agréable à rider et nous voilà sur le plateau glaciaire à 5000m. On remet les
peaux pour atteindre le bivouac du premier jour et redescendre par le couloir
de la trouille. Les conditions dans le couloir sont légèrement dégeulasses avec
des coulées transformés puis regelées… miam miam !
Plus
bas le glacier a pas mal évolué en 4 jours d’anticyclone, il nous faut encore
être vigilent et passer les gros ponts encordés.
On
arrive au camp de base à 22h00 soit une bonne journée en montagne !
Toute
l’équipe : cook, assistant cook, guide et sirdar sont la pour nous
accueillir et nous féliciter. Ils n’ont jamais vu une ascension du Passu aussi
rapide. 4 jours aller/retour sans acclimatation pour faire le sommet, bien joué
le Te Crew.
La
suite de la météo est très pakistanaise : un peu de neige , un peu de
neige et peu de neige tous les jours. Pas d’autre créneau de grand beau prévu…
on décide de se casser !!!
Il y
a donc deux manières de voir les choses :
Un
énorme échec, car on rate de 400m notre objectif principal et que l’on passe
très peu de temps en haute montagne…ou une belle réussite !!
6
copains sur une équipe de 8 au sommet d’un 6800 sans acclimatation
préalable ; une super descente à ski; aucun incident sur un itinéraire
exposé aux dangers objectifs et avalanches ; un bon test pour la suite et
surtout un super bon état d’esprit pour toute la team Hunza Matata… je choisi
la 2 eme option ;)
Le
voyage que nous avons vécu au Pakistan, dans les montagnes des Hunzas était
extra ordinaire. Nous avons découvert une région accueillante, des paysages de
dingue et des gens formidables. C’est avec une grande tristesse que je pense à
l’agence « North Pakistan Adventure » et à son directeur Ishaq Ali.
Le service qu’ils nous ont proposé dans cette expé était exemplaire. L’avenir
du tourisme et des expéditions semble aujourd’hui bien sombre au Pakistan. La
faute aux actes odieux de ce week end ! Souhaitons que cela ne se produise
plus jamais à aucun camp de base du Pakistan ou du reste du monde.
Pour
finir sur une touche d’humour dans ce monde pourri, rendez-vous le 10 juillet
avec le 2 eme Web épisode de notre aventure pakistanaise. A suivre sur Epic TV…
si vous avez aimé le premier, vous allez adorer la suite !
Antoine BLETTON
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