Rêve
d’expé ou expé de rêve. Ce mot « expédition » est assez magique et
alimente le songe, car chacun est libre d’y coller sa propre définition. Une
expé nous ressemble car il y a un peu de nous à l’intérieur. Du rêve se
développe une idée et de cette idée nait un projet qui se construit petit à
petit et fini par se réaliser… au sommet ou pas ! L’essentiel devient
alors le chemin parcouru et plus le bout du chemin.
L’imaginaire
d’une expédition se situe en Himalaya. On retrouve au premier plan, un camp de
base dans la neige puis au fond des montagnes hautes, enneigées et pointues. Le
tableau tourne autour du froid, de l’inconfort et des difficultés pour
l’alimentation et l’hygiène. Assez subjectif.
Depuis
mon entrée au Groupe en 2012, j’ai fais 6 expés de ce genre. Haute altitude,
froid, engagement. Des expériences uniques, riches, fortes. Tu apprends
beaucoup sur toi même et tu te construis en fonction. Mais cette année j’avais
envie d’autre chose. Est-ce lié à un état d’esprit différent dans ma vie ?
Un besoin de respirer un peu mieux ? Ou une étape pour pousser ma
curiosité un peu plus loin ?
J’avais aussi le désir d’une image collective, et pas un moment perso,
un sommet, un chiffre qui me motive pour les mauvaises raisons.
Est–il
possible de mettre toute sa motivation, son énergie et son amour dans deux
directions différentes ? Une réponse romantique pencherait pour le
possible, alors qu’en étant plus réaliste il est difficile d’être soi même à
100% lorsqu’on a pas décidé du sens.
Le
plus important étant de se poser les bonnes questions, de décider et d’assumer
ses choix. Le bien être intérieur en
découle.
L’Himalaya
sort de ma bulle des priorités, en tout cas pour cette année…
Des
projets plus « grimpant » prennent le dessus. Nous fêtons cette année
les 40 ans du GMHM. Une étape importante où nous laissons la place à plus de réflexions.
Toute
mon année et mon entrainement se sont articulés autour de cette envie.
Pas
mal d’escalade, l’hivernale à l’Aiguille de Leschaux avec deux copains sur la
même longueur d’onde, un zeste d’artif et d’équipement.
Des moments
forts passés en grandes voies dans ce magnifique parc du Paklenica en Croatie.
Des moments de joie, comme celui de remporter le « Big Wall Speed Climbing
Competition » avec Corko pour ma première participation.
Des
moments plus durs, comme celui d’échouer dans mon projet de grimper
« Spider » en libre à la journée.
N’est
ce pas simplement le gout de la vie ? Sans les bas, les hauts seraient
moins savoureux ;)
Début
Juin, nous voilà dans la phase finale des préparatifs pour l’expé au Pérou.
Deux équipes différentes, sur deux projets différents. Le plus important étant
de donner la possibilité a chacun de s’exprimer. Sans frustrations, sans suivre
un chemin déjà tracé, juste se laisser aller à la créativité.
Le
Pérou est une destination parfaite pour ce genre d’expéditions. Huaraz est à
3000m d’altitude. Le simple fait de jouer au foot, faire du bloc ou même de
danser toute la nuit au Tambo aide à l’acclimatation. Plus sérieusement, la
voie « Dominguerismo Vertical » dans la vallée de Rurec nous met le
pied à l’étrier pour le mixte libre/artif et la logistique
« bigwall ».
Malgré les longueurs végétalisées nous nous retrouvons
Cyril, Nono, Dim et moi au sommet (4650m) avec un grand sourire.
La
deuxième phase d’acclimatation sur la magnifique pyramide du Sphinx (5325m) est
géniale. La voie « Cruz del sur » est vraiment top et devrait ravir
les grimpeurs du monde entier.
Un granite 4 étoiles et des longueurs parfaites.
La satisfaction sportive d’enchainer à vue/flash toute la voie par l’équipe a
un petit goût de cerise.
Nous
sommes prêts pour le projet d’ouverture dans la face nord du Puscanturpa Est
(5440m) en cordillère Huayhuash.
C’est
toujours intéressant ce « delta » entre le moment ou tu regardes une
photo du projet, tranquillement installé dans ton canapé à la maison, et le
moment ou tu retrouves au pied du mur, prêt à grimper. Bien qu’un peu
intimidant ce moment est fort car on sait que le match va commencer.
Il
nous faudra finalement 8 jours depuis les premiers coups de marteaux sur les
orgues, jusqu'à la photo summit avec nos moustaches d’adolescents retardés.
Deux
jours de plus pour grimper en libre, c’est à dire seulement à l’aide de nos
petits doigts boudinés et nos chaussons trop serrés sur les prises du rocher.
En
écriture hiéroglyphique de grimpeurs la voie côte ED/ 7b max / 6b obligatoire
sur 400m. Nous l’avons baptisée « El Juego summando ». Un peu pour
faire croire que nous parlons espagnol couramment, mais surtout parce que c’est
le nom d’un jeu de carte que notre cook nous a appris au camp de base. Chaque
jour nous additionnons les quelques
mètres gagnés pour nous rapprocher du sommet, tout en restant un jeu.
Alors
qu’en Himalaya, je ressens un accomplissement et un bonheur intense, de façon
très personnelle, une fois seulement au
sommet ; chaque jour de ce projet m’a apporté une petite dose de bonheur
que ce soit dans la découverte ou la création. Un projet que nous avons rêvés
tous les 4 de A à Z avec à la clef une belle réussite collective.
Et
si c’était ça le bien être : accepter nos choix et leurs réalisations dans
l’instant. Sans filtres.
Et
maintenant ? Quel sens, quelle direction ?
Peut
être que mon âge avancé me fait retomber nostalgiquement en adolescence mais le
fameux « Live the life you love and love the life you live » de Bob
Marley, n’a jamais sonné aussi juste.
Tonio
Jolie ouverture. Bel article. Je vois que Bertholet est loin... Je ne grimpé plus depuis longtemps mais je suis vraiment tombé sous le charme des cordillères péruviennes moi même. Bravo
RépondreSupprimer